lundi 4 juin 2018

Mon Free Comic Book Day

Après un mois, je prends enfin le temps de cette note pour vous parler d'une journée qui m'a particulièrement tenu à cœur ces dernières semaines, à savoir celle du Free Comic Book Day France du 5 mai dernier. (Mieux vaut tard que jamais comme on dit, non ?)

Avant d'aller plus loin, petit résumé rapide de ce qu'est cette drôle de bête-là. Le Free Comic Book Day (ou FCBD pour les intimes) est un événement où les éditeurs de BD américaines offrent des comics à leurs lecteurs. Créé en 2002 aux États-Unis, il s'agit d'une fête particulièrement appréciée par les fans, qui se ruent en masse dans les librairies. Pour fidéliser encore plus, il faut préciser que cela se passe toujours le premier samedi du mois de mai, et que les maisons d'édition en profitent pour préparer l'arrivée de leurs nouvelles séries et/ou crossovers. Bref, c'est un bon coup de com' pour les éditeurs, et une belle occasion de célébrer un média très apprécié outre-Atlantique. En France, une version française existe depuis 2014 initiée par l'association BDCineGoodies et la librairie Comics Zone. Il s'agit du même principe, mais avec des éditeurs français. (Coucou Captain Obvious.)


Chez Aventures BD, on y participe depuis la première édition française. Ne vendant pas de VO (notamment à cause du manque de demandes et des soucis d'import), nous ne recevons pas les versions anglaises du FCBD. Quoi qu'il en soit, il y a déjà de quoi faire avec la sélection VF. Néanmoins, je ne vous cache pas que jusqu'à présent ça n'a jamais vraiment pris à la boutique. On restait toujours avec un stock à la fin de la journée. Certes, on les donnait aux clients les jours suivants, mais l'intérêt n'était plus là. Ce qu'il faut aussi savoir, c'est que les librairies participantes au Free Comic Book Day payent les fascicules qu'ils offrent. Ça ne coûte que quelques centimes par numéro, mais s'il n'y a pas de réel engouement, il n'y a pas de raison d'en prendre des tonnes. Du coup, on réduisait d'années en années nos commandes. 

Je vais être honnête, ça me faisait particulièrement chier. Pas le fait de réduire les commandes, car c'est une décision logique compte tenu de l'emballement relatif de notre clientèle pour cet événement. De plus, nous n'avons pas énormément cette tradition du fascicule comics en France. Il en sort tous les mois dans les presses, mais nos versions contiennent l'équivalent de 5 à 6 numéros américains d'une vingtaine de pages. Par conséquent, recevoir une revue assez fine donne davantage l'impression d'avoir une publicité gratuite. En un sens, c'est effectivement de la pub à peine dissimulée, mais cet aspect de trop peu est une habitude aux États-Unis depuis la création des comics (et je ne vous parle pas du nombre d'encarts publicitaires qu'il y a en plus dans les facicules VO). Ça peut expliquer le succès encore timide du FCBD France, mais je n'en suis pas convaincu. Bon nombre de comics shop français parviennent à créer un événement si important qu'ils sont obligés de mettre des barrières dans les rues à cause de l'attente générée devant leur devanture. Comics Zone en est le parfait exemple.



Alors oui, ce sont des librairies spécialisées en comics qui drainent des gens ayant l’habitude des fascicules. Or, plus les éditions passaient, et plus j'étais frustré de ne pas parvenir à créer un engouement au magasin. J'ai bien tenté, avec l'accord du big boss, d'organiser une sorte de tombola pour gagner des comics ou encore un concours de cosplay en 2016. Cela a suscité un peu l'intérêt des gens, mais ça restait timide. Je sentais qu'on allait finir par arrêter les frais si ça continuait. Pour cette année, j'ai me suis mis en tête qu'il pouvait s'agir de l'une de nos dernières éditions, et qu'il fallait donc que je me sorte les doigts du cul (ça chatouille un peu) pour réussir à créer un FCBD digne de ce nom à Dunkerque. 

Première chose, pas question d'attendre deux semaines avant d'envoyer les commandes au risque de ne pas avoir tout le moment venu. Ce fut le cas l'année dernière, où le sketchbook fort sympathique de Comics Zone nous est passé sous le nez. Dès la réception de la sélection, les quantités furent passées. Ensuite, je voulais relancer un concours de cosplay (sans le limiter au comics pour attirer plus de monde) et faire un concours photo. Mon adorable chef m'a laissé carte blanche pour l'organisation. Il sait que le comics, c'est mon dada. (Désolé pour cette expression sortie des tréfonds de l'Enfer.) Il en a profité pour suggérer la réalisation de pâtisseries, car il avait appris qu'une librairie offrait des gâteaux Batman lors d'une dédicace de Marini. Une chouette idée confiée aux soins des tenanciers du restaurant Le Local. (Ce sont des amours.)

Batarang ou nounours, choisissez votre camp !

En suivant divers confrères, je sais qu'inviter un ou plusieurs dessinateurs est un plus au Free Comic Book Day (comme beaucoup d'événements en librairie finalement). Du coup, j'ai contacté une vieille connaissance. Il s'agit de Jeff, un très chouette gars (mon ex-big boss en quelque sorte) avec qui j'ai travaillé pas mal de temps sur un site d'actualité comics : Cable's Chronicles. Depuis, il a lancé une maison d'édition, Northstar Comics, et organise régulièrement des avant-premières de films de super-héros avec des illustrateurs de la région. Je lui ai demandé s'il pouvait me mettre en contact avec des dessinateurs qu'ils connaissaient. On est fin janvier à ce moment-là. (Oui, cette fois, j'ai décidé de préparer les choses en amont.) Ça tombe bien, puisque Jeff a une mémoire de poisson rouge et avait complétement zappé ma demande quand je l'ai recontacté mi-avril. (Je l'aime quand même.) Pendant ce temps, j'ai débuté la communication de l’événement avec des affiches en magasin, des flyers, des posts Facebook et messages hebdomadaires via notre newsletter. Trois semaines de publicités pour faire connaître l'événement. On est plutôt bien niveau préparation, même si je commence à me dire qu'il serait dommage de n'avoir aucun dessinateur. Heureusement, ce bon Jeff finit par m'annoncer avoir dégoté quelqu'un de potentiellement intéressé. Il s'appelle Grégory Watine, illustrateur storyboarder lillois, qui a l'habitude des soirées de Jeff. Après une prise de contact et l’accord du chef, on se met d'accord avec Grégory pour l’accueillir. Venant de Lille, il ne devrait pas avoir de mal à venir en train (qu'on lui rembourse) en dépit des gréves.


Bref, j'ai à peine plus d'une semaine pour matraquer encore davantage la com' en annonçant la présence d'un artiste pour des dessins offerts sur simple demande. C'est donc reparti pour des posts Facebook, newsletters et même une vidéo sur la chaîne Youtube. Je pense être au maximum dans le temps imparti, et il ne reste plus qu'à attendre le 5 mai. Parallèlement, je reçois des participations au concours photo et des gens me disent être intéressés par le cosplay. (J'y crois.)



Le jour J, je vais chercher Grégory à la gare. Il arrive à l'heure, et on a le temps de sympathiser sur la route. Installé à sa table, on ouvre les portes à 9h55, et il y a déjà des personnes qui attendent. Je me dis que c'est peut-être bien parti, mais je ne m'attendais pas à un tel raz-de-marée. Pour faire court, aux alentours de 13H, nous n'avions plus un seul comics à distribuer. Nous avions pourtant limité à cinq comics offerts par personne sauf pour les cosplayeurs. Dans ce cas, la personne déguisée repartait avec toute la sélection. Nous avons eu une bonne dizaine de cosplays, dont certains n'ont même pas pu tout avoir à cause de l'influence. On a eu beau limiter davantage le nombre de fascicules au fur et à mesure des ruptures, cela n'a pas suffit à tenir plus d'une matinée. Une première victoire en somme. (Je suis déjà ravi.)

Mais ce ne fut pas le vrai succès de ce FCBD selon moi. Non, là où tout se passait, c'était du côté de Grégory Watine, qui a attiré un monde assez incroyable tout au long de la journée. Les gens faisaient la queue de sa table jusqu'à ma caisse située à côté de l'entrée. Pourtant, Grégory n'a pas encore sorti de BD à ce jour. Comme il a pu nous le dire lors du déjeuner, il n'est encore personne dans le milieu du neuvième art. Peu importe, les gens souhaitaient un dessin de sa part, discuter avec lui et découvrir son travail. 

Avec un peu de recul, la raison de ce bel engouement en dehors du talent de Grégory, c'est qu'il réalisait ce qu'on appelle des free sketchs. C'est une pratique courante chez les auteurs anglophones. Sur simple demande, l'artiste réalise le personnage de notre choix. L'avantage pour le lecteur, c'est qu'il ne se sent pas obligé d’acheter le dernier album de l'artiste, qui peut ne pas lui plaire, pour avoir une dédicace. Ensuite, on peut demander ce que l'on veut à condition que le dessinateur puisse avoir un visuel des personnages demandés. Grégory a ainsi dessiné des personnages de Marvel, DC, manga, Star Wars ou encore des fusions improbables comme un Crâne rouge en général Grievous. Passer toute une journée à dédicacer son dernier album est déjà un travail épuisant pour un auteur même s'il a l'habitude de dessiner ses créations. Avec le free sketch, la difficulté passe un cran au-dessus, car il faut être capable de répondre à de multiples demandes, ce qui a amené Grégory à dessiner de nombreux personnages pour la première fois. Et quand il s'agissait de personnages dont il avait l'habitude tels que Batman, il s'efforçait de trouver une nouvelle façon de le faire. En une journée, il a ainsi réalisé une bonne trentaine de dessins tous différents que ce soit dans le sujet ou le style. Je lui tire mon chapeau. Une immense merci à lui pour sa présence, sa gentillesse, et ma dédicace personnalisée, qui m'a pas mal touché. Je lui souhaite de réussir et j'espère de tout cœur le recevoir à nouveau pour le Free Comic Book Day.

Pour voir les autres dédicaces, cliquez ici.

Vous l'aurez compris, cette journée fut au top à bien des niveaux. Une influence sans précédent pour le FCBD, des comics épuisés en trois heures à peine, des gâteaux très appréciés par la clientèle (et mon estomac), un illustrateur n'ayant jamais réalisé une journée aussi riche en dédicaces, des cosplayeurs talentueux et adorables, des participations fort sympathiques pour le concours photo, de chouettes discussions, de l'argent à foison (Picsou Power !), et un petit libraire aux anges. Je suis assez fier d'avoir réussi à mener cet événement presque comme un grand malgré de légers couacs (manque de comics offerts ou encore refus de quelques personnes pour les dédicaces à cause du monde et des impératifs d'horaires).

Oui, c'est moi le ranger vert.

Je compte redoubler d'efforts pour l'édition 2019 avec, je l'espère, la présence de deux illustrateurs pour fluidifier la file d'attente ou encore des activités conjointes (concours de dessin par exemple) avec La mare aux diables pour attirer davantage d'enfants. Car, à nouveau, j'ai un petit cœur, et quand je vois un p'tit gars heureux et le sourire aux lèvres avec son dessin de Thanos, je me dis que j'ai réussi mon coup.

C'était le pied ce Free Comic Book Day !

1 commentaire:

  1. En effet, un très bon FCBD 2018, Bravo petit libraire devenu grand ;-), je ne doute pas que le 2019 sera encore mieux !

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